Bonjour Mesdames et Messieurs,
Je suis heureux d'arriver en cet instant à Mayotte, de retrouver nos îles et de pouvoir passer ces deux jours, presque, parmi nos compatriotes avec un premier objectif qui est d'aller au contact des Mahoraises, des Mahorais, pour évoquer les difficultés du quotidien.
Je sais qu'il y en a eu ces derniers mois, ces dernières années, qui ont touché justement les questions de sécurité, d'immigration, parfois de logements insalubres. On le sait.
Le premier objectif est d'apporter des réponses extrêmement concrètes à ces difficultés. Plusieurs réponses ont déjà été apportées, durant ces derniers mois, avec des décisions profondes et j'y reviendrai, mais je pense que ce moment de contact, d'échange est indispensable. Ce sera aussi l'occasion d'échanger avec les élus ; ici présents, qui sont fortement engagés évidemment à leurs côtés.
Le deuxième objectif est de passer en revue le dispositif SHIKANDRA que nous avons mis en place pour lutter contre l'immigration clandestine et illégale. Un gros travail a été fait ces derniers mois. Nous avons déployé maintenant un dispositif civilo-militaire, qui engage plusieurs forces de notre armée avec nos soldats, nos marins qui sont disposés, mais également la police et la Gendarmerie avec des moyens multiples qui sont aussi mis à disposition. Nous allons, avec les ministres, les passer en revue. Nous allons aussi regarder l'efficacité de ces dispositifs dont l'objectif, je le rappelle, est de procéder à environ - c'est l'objectif que nous nous sommes donnés - 25 000 retours de clandestins qui aujourd'hui sont sur l'île, sur les îles. Aujourd'hui, quand je regarde les chiffres, nous sommes en ligne avec ces objectifs que nous nous sommes fixés. Ceci vient compléter, par ailleurs, les accords que nous avons pu signer avec les Comores, qui améliorent aussi la coopération entre la France et les Comores sur ce sujet.
Enfin, ce déplacement que nous effectuons avec les ministres sera l'occasion de déployer véritablement les engagements que nous avons pris il y a quelques mois au ministère des Outre-mer avec le contrat dit "de convergence". Ce sont 1,6 milliards d'euros d'investissements qui ; sur les sujets de santé, d'éducation, de logement, d'accès à l'eau, d'infrastructures de transport, qu'il s'agisse du port ou de l'aéroport, vont permettre de répondre là aussi aux défis de Mayotte. J'aurai l'occasion d'y revenir dans quelques instants, à la fois avec la population, puis avec les élus, mais de prendre aussi des engagements très concrets de déploiement de ce contrat de convergence.
Voilà quelques-uns des objectifs que nous poursuivons, pour la journée d'aujourd'hui, la nuit que nous allons passer et le début de matinée. Demain, je me rendrai aux Glorieuses, avant ensuite de rejoindre la Réunion. Merci pour votre accueil. Nous allons donc poursuivre, en commençant à passer en revue le dispositif SHIKANDRA. Merci à vous.
https://www.vie-publique.fr/discours/271415-emmanuel-macron-22102019-mayotte
Rapport de la Cour des Comptes (accablant 2022)
Dix ans après la création du département, et alors que le Gouvernement a enchaîné les plans en sa faveur, la situation de Mayotte demeure atypique au sein de la République. En soixante ans, l’archipel a vu sa population multipliée par 12 et compte aujourd’hui la plus forte densité de population de la France d’outre-mer, en raison à la fois d’une croissance endogène très dynamique et d’une immigration clandestine élevée. En parallèle, la période qui a suivi la départementalisation a vu, malgré un réel rattrapage du niveau de vie de ses habitants, une forte dégradation des conditions de sécurité et de la qualité de vie (transports, eau, environnement, logement). La délinquance a atteint un niveau tel, que la sécurité est devenue la première préoccupation des habitants. En matière d’éducation, le retard est également difficile à résorber, alors que la moitié de la population ne parle pas français. Dans le rapport publié ce jour, les juridictions financières (Cour des comptes et chambre régionale des comptes de Mayotte) soulignent que les services de l’État et du département ne parviennent pas à apporter les solutions attendues par les mahorais sur les plans sociaux, économiques et sociétaux.
Pour contribuer à mener une réflexion stratégique sur le développement durable de Mayotte, la Cour formule des recommandations visant notamment à consolider l’action des pouvoirs publics et à renforcer la lutte contre l’immigration clandestine.
Face aux défis du développement du territoire, les institutions locales peinent à consolider leurs actions
Si les institutions locales peinent à asseoir leurs actions de développement, c’est notamment parce que les services de l’État à Mayotte font état de difficultés de recrutement des cadres administratifs qui, en outre, ne restent pas en poste suffisamment longtemps pour assurer correctement la continuité de leurs actions. Par ailleurs, la préfecture ne dispose pas des moyens et de l’organisation propres à assurer son rôle de pilote et de coordonnateur de l’action de l’État, car indépendamment des difficultés de recrutement, le contexte d’urgences récurrentes empêche le service préfectoral d’inscrire son action dans la durée et de bâtir ou de piloter des projets à la hauteur des enjeux locaux. De son côté le département doit conforter ses fonctions en matière de ressources humaines, de contrôle de gestion et de systèmes d’information pour disposer du socle de gestion garantissant la bonne mise en œuvre des politiques contractualisées. Dans le cadre de précédents rapports, la chambre régionale des comptes de Mayotte avait formulé des recommandations sur le suivi de la délégation de service public du port de Longoni, sur le désordre foncier et l’adressage des propriétés, sur le pilotage par l’État de la départementalisation, ainsi que sur la programmation pluriannuelle de l’engagement financier de l’État et des équipements publics. Or, ces recommandations n’ont été que peu ou partiellement suivies par le département et l’État, ce qui a affecté le suivi des plans de développement et le redressement du département.
Les plans de développement de l’État : des engagements ambitieux, une mise en œuvre inégale
Alors que le plan de « Mayotte 2025 » de 2014 comprenait une feuille de route consensuelle, et que celui de 2018 prévoyait des dépenses de l’État à hauteur de 1,3 Md€, certaines des mesures rapidement engagées ont été interrompues au gré de changements politiques ou de préfet. Ainsi, le suivi du plan « Mayotte 2025 » s’est interrompu au bout d’un an, et s’agissant du plan de 2018, il n’existe aucun document de suivi mis à jour ni de données d’exécution de celui-ci, hormis un tableau renseigné par la préfecture à la demande de la Cour. Dès lors, si les engagements pris par l’État sont substantiels, il reste difficile d’apprécier le montant de l’effort additionnel consenti. L’action publique à Mayotte se déploie par à-coups, sans que le chaînage entre un plan et le suivant soit établi. Car ni la préfecture de Mayotte, ni la direction générale des outre-mer ne disposent d’équipes se consacrant au suivi de ces plans et, dans ces conditions, les services déconcentrés et centralisés de l’État ne sont pas incités à produire des documents de suivi ou à documenter leurs actions.
Les réponses de l’État n’ont pas apporté toutes les solutions attendues
Dans le plan de 2018 pour l’avenir de Mayotte, la majorité des réponses apportées par l’État aux revendications mahoraises portaient sur l’ordre public. Or, les statistiques relatives à la délinquance montrent que la situation continue de se dégrader sur ce plan. En outre, les réponses aux problématiques d’ordre social demeurent lacunaires : l’offre de soins reste inférieure aux standards nationaux, la construction des logements demeure très en deçà des besoins (39 % des habitats sont précaires) et des difficultés d’accueil dans les établissements scolaires persistent (221 d’entre eux étant saturés). La politique d’aménagement du territoire montre elle aussi d’importantes limites. Seule une action de l’État résolue, dotée des moyens techniques et financiers nécessaires et pilotée avec constance pourra réduire l’écart avec les standards métropolitains. Sans remettre en cause la départementalisation ni la décentralisation, l’État doit renforcer sa capacité à conduire le développement du territoire, dans une gouvernance associant le département et les autres collectivités. Il doit également assumer son autorité lorsque c’est nécessaire, ce qu’il fera d’autant mieux que ses propres engagements auront été tenus.
https://www.ccomptes.fr/fr/publications/quel-developpement-pour-mayotte